Vision de l'Epuisement de la Réalité

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Vision de l'Epuisement de la Réalité (chos nyid zad pa'i snang ba) ཆོས་ཉིད་ཟད་པའི་སྣང་བ།

Signification littérale

chos nyid: Réalité; —zad pa'i: Epuisement + marque du génitif; —snang ba: Vision.

Définition

La Vision de l'Epuisement de la Réalité est la Quatrième Vision du Franchissement du Pic et la première — en ordre inversé — de l'Eradication de la Rigidité.[1] Au cours de cette phase ultime de la Voie, l'adepte est confronté à un triple Epuisement, à savoir :

  1. extérieurement, l'accroissement des expériences visionnaires qui s'était déroulé jusque dans la Vision du Paroxysme du Discernement (rig pa tshad phebs kyi snang ba) s'épuise entièrement;
  2. intérieurement, la matérialité reposant sur les quatre éléments qui composent le corps s'épuise intégralement; et
  3. secrètement, toutes les hordes conceptuelles et les pensées discursives s'épuisent définitivement.

Lorsque l'adepte parvient à ce niveau, toutes les manifestations erronées sont purifiées, au même titre que l'esprit qui les perçoit. Dans le même temps, le dynamisme du Discernement s'épuise,[2] au même titre que le corps lui-même. A ce stade, les agrégats physiques sont littéralement gorgés de lumières, signe annonçant la manifestation prochaine du Corps d'Arc-en-ciel (‘ja’ lus). Cinq signes particuliers apparaissent alors:

  1. l'esprit est totalement libéré des conceptions relatives au Saṃsāra et au Nirvāṇa;[3]
  2. les éléments extérieurs ne peuvent plus nuire à l'adepte,[4] au même titre que les éléments intérieurs;[5]
  3. les manifestations des six destinées sont purifiées;[6]
  4. l'adepte fait l'expérience de nombreuses presciences qui émergent en lui sans effort ni obstacles; et
  5. les splendeurs sapientiales de la Sagesse continuent à rayonner sans aucune entrave.

Au terme de cette quatrième Vision, l'adepte parvient à un signe (rtags) indiquant qu'il a intégralement parachevé la Voie du Franchissement du Pic, à savoir la manifestation du Corps d'Arc-en-ciel. Avec l'obtention d'un tel Corps:

  1. la chair se transmute totalement (sauf les ongles et les cheveux, ainsi que le reste du système pileux) en une lumière jaune éclatante;
  2. le sang se transmute en une lumière blanche rayonnante ;
  3. la chaleur corporelle se libère en une lumière rouge écarlate; et
  4. la respiration et les souffles résiduels du corps se résorbent en une lumière verte éblouissante.

Ce Corps rayonne alors dans les dix directions, accompagné de manifestations singulières, comme le déploiement de lumières soyeuses qui s’élèvent à la verticale, de brumes ondulantes qui se déploient au niveau du sol, etc. Ces signes sont complétés par un grand nombre de manifestations atmosphériques inhabituelles (pluies de fleurs, neige en été, déploiements colorés semblables à des aurores boréales, etc.).

A ce stade, la parole de l'adepte s'abîme en échos mantriques, tandis que son esprit s'absorbe dans le Non-né. Ainsi, lors de la manifestation du Corps d'Arc-en-ciel, le corps ordinaire, qui était un Corps d'Apparition formel, se sublime intégralement dans l'état du Corps de Jouissance adorné de ses infinies splendeurs quinticolores, tandis que l’esprit s’absorbe dans sa propre Essence, c’est-à-dire l'état virginal du Corps Absolu. L'atteinte du terme de la Voie se traduit donc par la perfection totale des Trois Corps.

Trois signes spécifiques caractérisent cette Vision de l'Epuisement de la Réalité, à savoir:

  1. le corps est comme un cadavre abandonné dans un charnier, libre de toute crainte et ce, même entouré par cent bouchers sanguinaires prêts à le découper;[7]
  2. la parole est comme un écho, répétant ce que dit autrui;[8] et
  3. l’esprit est comme une brume qui se dissout dans le ciel, indiquant en cela que l’on va s’éveiller pleinement avec la disparition des agrégats.[9]

Notes

  1. Sur cet ordre inversé dans le contexte de Trekchö, voir l'explication donnée dans l'entrée Ordre inversé des Quatre Visions.
  2. Cela signifie que les visions se résorbent instantanément au sein de l'Espace primordial du Corps Absolu.
  3. En d'autres termes, toutes les pensées dualistes sont définitivement épuisées et ne s'élèvent plus.
  4. Celui-ci ne peut plus se noyer dans l'eau, être brûlé par le feu, emporté par le vent, ni écrasé par la terre.
  5. Ces éléments — et leurs déséquilibres éventuels — ne peuvent plus causer de maladies.
  6. L'adepte voit les univers comme des champs purs, les êtres comme des déités, les sons comme des mantras, et les pensées qui s'élèvent spontanément en son esprit comme l'expression du dynamisme spontané de la Sagesse. Ces pensées sont des pensées non égotiques, non dualistes, qui sont d'ailleurs la preuve que l'esprit conserve en potentiel le dynamisme spontané qui le caractérise. C'est grâce à ces pensées non dualistes que le Buddha peut œuvrer au bénéfice des mondes, sans dépendre de la discursivité dualiste ordinaire.
  7. Cela signifie que l’esprit a pénétré le filet de la Claire-Lumière (‘od gsal) et ne se perd plus dans d'éventuelles activités conditionnées; grâce à l'obtention antérieure de la Consécration Verbale, il expérimente alors le principe de la Liberté Naturelle de la Grande Perfection et la purification complète du karma lié à son corps.
  8. Ce signe provient du fait que les syllabes-germes qui demeurent sur les pétales de canaux ont pénétré les Thiglés du souffle; à ce moment, le principe indicible de la Grande Perfection “résonne” dans la parole elle-même sous la forme d’échos ou de répétitions de ce que dit autrui.
  9. Ce signe provient d’une familiarisation totale avec les visions et leur résorption ultime; à ce moment, le principe véritable de la Grande Perfection imprègne l’esprit, en sorte que toutes les proliférations s’épuisent définitivement.

Jean-Luc Achard 7 mars 2023 à 14:41 (CET)