Six Modalités de Samantabhadra

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Six Modalités de Samantabhadra (kun bzang chos drug) ཀུན་བཟང་ཆོས་དྲུག།

Définition

Il s’agit des six dharmas (chos), modalités ou caractéristiques du Buddha Primordial Samantabhadra, à savoir :

  1. jaillir de la Base de l’état naturel ;
  2. se manifester au sein de sa propre Essence ;
  3. procéder à la différenciation du multiple ;
  4. se libérer directement lors de cette différenciation ;
  5. ne pas provenir d’une autre nature ; et
  6. demeurer dans son propre état naturel.

Explication

Dans Le Mode d'Emergence du Réel (pp. 48-49), la nature de ces six modalités est expliquée comme suit:

...le Plein Eveil de Samantabhadra se définit également en fonction de six points ou dharmas (chos drug)[1] exprimant des facettes simultanées de ce processus d’Eveil instantané :
— jaillir de la Base (gzhi las ‘phags pa), en référence à l’éclat intérieur de la Spontanéité (lhun grub kyi nang gdangs) propre à l’état naturel de Samantabhadra, éclat qui jaillit atemporellement de l’Espace primordial (thog ma’i dbyings);[2]
— manifester sa propre Essence (rang ngor snang ba) que l’on peut encore comprendre comme “se manifester à/en sa propre Essence”, en référence à l’infinitude des Corps, des Sagesses et des champs purs qui ne se manifestent qu’à lui, c’est-à-dire que lors de l’obtention de la réalisation;[3] (p. 49)
— fragmenter la diversité (bye brag phyed pa), en référence à la capacité discernante (rig) de fragmenter ou séparer (phyed pa) clairement la diversité (limitée en fait à deux modes) des choses, c’est-à-dire l’égarement (‘khrul pa) et la Liberté (grol ba);[4]
— se libérer au sein de cette fragmentation (phyed thog tu grol), en référence à l’obtention du Fruit et de la Liberté qui se déroule au sein même de l’état naturel de la Base et non ailleurs;
— ne pas être issu d’ailleurs (gzhan las ma byung), en référence à l’Eveil obtenu qui, comme on vient de le dire, ne provient pas d’ailleurs que de soi-même, c’est-à-dire de l’état naturel de l’Esprit;[5] et
— demeurer dans sa propre condition naturelle (rang sar gnas pa), en référence à l’immuabilité (‘gyur ba med pa) de l’état obtenu et à son infrangibilité.[6]

Notes

  1. Encore appelé les “six dharmas spéciaux” (khyad chos drug). Longchenpa les mentionne dans le Theg mchog mdzod I, p. 312. Voir également l’explication donnée par Kongtrül in Shes bya kun khyab, vol. 3, p. 707. Jigmé Lingpa intègre également ces six points en les diluant dans les versets-racines de son Trésor des Qualités (Yon tan mdzod), p. 106 ; cf. leur commentaire in id., rNam mkhyen shing rta, p. 71 et seq. Dans son Yon tan mdzod ‘grel (p. 577 passim), le premier Dodrupchen Rinpoche reprend l’essentiel de l’argumentation de Jigmé Lingpa sur ce point, avec quelques clarifications supplémentaires, le commentaire de Dodrupchen étant une synthèse des deux volumes exégétiques composés par Jigmé Lingpa sur son propre Trésor des Qualités.
  2. Ce jaillissement de la Base se fait également en référence à la Voie instantanément parcourue (la célérité du phénomène étant clairement véhiculée par l’idée de jaillissement, ‘phags pa) et au Fruit primordialement atteint par Samantabhadra.
  3. Ces visions sont des “manifestations naturelles” (rang snang) qu’il faut comprendre comme étant les siennes propres. L’exclusivité de ce mode de manifestation doit être soulignée car elle dissipe l’éventuelle dualité qui surviendrait si ces prodiges étaient perçus par une tierce personne. Le phénomène confine à l’évidence manifeste et indiscutable dans la pratique du Franchissement du Pic. Pour Jigmé Lingpa (rNam mkhyen shing rta, p. 71), ce point renvoie essentiellement à la faculté qu’a Samantabhadra de reconnaître que les manifestations naturelles qui émergent de la Base sont dénuées de nature propre (rang bzhin med pa). De cette manière, le Buddha Primordial interrompt directement le flot des analyses discursives éventuelles et demeure immuable au cœur de sa propre Essence.
  4. Je pense qu’il faut suivre ici Jigmé Lingpa qui explique cette différenciation dans les termes du jaillissement du Discernement hors de la Base (gzhi las ‘phags pa’i rig pa) et l’émergence des Qualités de l’Espace (dbyings kyi yon tan) qui sont l’objet de la réalisation (rtogs bya) ; voir rNam mkhyen shing rta, p. 72.
  5. Cela signifie que l’Eclat du Discernement qui jaillit de la Base et les Qualités de l’Espace qui se manifestent au moment du Fruit sont présents au sein de la Base elle-même et ne sont pas des modalités obtenues en conséquence de causes extérieures, etc. Tout “se déroule” dans l’immensité infinie de l’état naturel.
  6. Cf. l’analyse partielle de ces points in Jigmé Lingpa, rNam mkhyen shing rta, p. 71-74. Les sources sont les mêmes que celles de Longchenpa (Theg mchog mdzod, passim) et l’argumentation développée est très proche.

Bibliographie

Jean-Luc Achard, Le Mode d'émergence du Réel, Tibetica Hermetica, volume III, Ed. Khyung-Lung, 2016, pp. 48-49.


Jean-Luc Achard 24 mai 2018 à 13:55 (CEST)