Lampe de la Connaissance Sublimée Née-d'elle-même

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Lampe de la Connaissance Sublimée Née-d’elle-même (shes rab rang byung gi sgron ma) ཤེས་རབ་རང་བྱུང་གི་སྒྲོན་མ།

Signification littérale

shes rab : Connaissance Sublimée ; —rang byung : née-d’elle-même ; —gi : marque du génitif ; —sgron ma : Lampe

Définition exhaustive

Dans son Précieux Trésor du Véhicule Suprême (Theg mchog mdzod, chap. 13), Longchenpa donne une explication extrêmement détaillée de cette Lampe, dont voici la synthèse en huit parties : [1]

Essence

Cette Lampe représente le dynamisme de la conscience parfaitement stabilisée dans l’état de la Vacuité-Clarté (stong gsal) de la Réalité, c’est-à-dire dans l’état de la Contemplation (dgongs pa). Elle est ce qui permet la connaissance de toutes les autres Lampes. Ainsi, lorsque le Lointain-Lasso (rgyang zhags), les Disques Lumineux (thig le) et l’Espace (dbyings) ne bougent plus au cours de la Contemplation, intérieurement, l’adepte expérimente la totale pureté de son propre Discernement (rang rig) émergeant comme une bouffée de Sapience au cours de la pratique.

Définition littérale

Sa définition littérale est la suivante :[2]

— elle relève de la connaissance (shes) parce qu’elle permet : 1. de discerner clairement la Transparence (zang thal) des visions et des perceptions émergeant au cours de la Contemplation elle-même ; 2. de comprendre la Vacuité et le Non-soi de toutes choses ; et 3. d’expérimenter directement la pleine mesure de la Sagesse ;
— cette connaissance est définie comme “sublimée” (rab) parce qu’elle se tient au sommet de toutes les formes de Contemplation et qu’elle permet ainsi la réalisation de toutes choses, y compris les thèmes les plus difficiles à réaliser parmi tous les enseignements des Buddhas ;
— son émergence apparaît naturellement “d’elle-même” (rang) parce qu’elle ne provient pas d’ailleurs que de soi et qu’elle s’élève en un mode totalement incessant et vierge d’entrave ;
— elle est conçue comme “naissant” (byung) d’elle-même parce qu’elle représente la Sapience qui demeure et naît en nous depuis l’origine, sans cause ni condition ;
— elle s’exprime comme une “lampe” (sgron ma) parce qu’elle illumine toutes choses et qu’elle est embrassée par la lumière naturelle du Discernement.

Classifications

On définit cinq sortes de “Lampes de la Connaissance Sublimée Née-d’elle-même”, à savoir :

  1. la Connaissance Sublimée Née-d’elle-même demeurant sur la Base (gzhi gnas rang byung gi shes rab), c’est-à-dire l’aspect de totale Sapience qui anime le Discernement intérieur et qui s’exprime comme la base d’émergence ( ‘char gzhi) ou le support (rten) du dynamisme de l’état naturel, c’est-à-dire des visions du Discernement lui-même ;
  2. la Connaissance Sublimée qui appréhende directement les visions (snang ba cer ‘dzin gyi shes rab), c’est-à-dire l’état dans lequel on se trouve au cours de la Contemplation des visions de l’Espace-Discernement (dbyings rig) ;
  3. la Connaissance Sublimée aux évocations incessantes (dran pa ‘gag med kyi shes rab), c’est-à-dire l’ensemble des pensées évocatrices qui émergent de manière impartiale en un flot incessant et multiple ; grâce à l’expérience de cette modalité de la Connaissance Sublimée, ces mêmes pensées sont expérimentées comme étant déjà libérées (des passions, des proliférations, etc.) au niveau de leur Essence virginale et sont donc uniment rassemblées au sein de la Réalité elle-même ;
  4. la Connaissance Sublimée discriminante (so sor rtog pa’i shes rab), c’est-à-dire l’aspect de sapience spirituelle qui permet de connaître les caractéristiques spécifiques et générales des phénomènes et de l’esprit, tout en percevant leurs caractéristiques sans les mélanger en un flou indistinct ;
  5. la Connaissance Sublimée des trois sortes d’engagements[3] (‘jug byed rnam gsum gyi shes rab), c’est-à-dire la capacité à définir clairement l’état naturel grâce à l’écoute des enseignements, la capacité à fixer concrètement cette sapience grâce à la réflexion sur ces mêmes enseignements, et la capacité à s’extirper hors du Saṃsāra grâce à la saveur de la libération expérimentée à l’aide de la méditation ; les trois aspects de cette cinquième modalité de la Connaissance Sublimée permettent la réalisation du sens des termes employés dans les enseignements et donc d’en comprendre les thèmes.

Caractéristique

La caractéristique essentielle de cette Lampe est de reconnaître expérimentalement que les objets manifestés et l’esprit qui les perçoit sont exempts de nature propre. Dans cette optique, l’état même exprimé par cette Lampe n’est autre que celui de la Perfection de Sapience ou prajñāpāramitā (shes rab pha rol tu phyin pa).

Portes d’émergence

Ses portes d’émergence sont les cinq sens (dbang po lnga) dans la mesure où les consciences sensorielles qui appréhendent les objets sont les portes via lesquelles la Connaissance Sublimée reconnaît et identifie les objets. Plus particulièrement, sa principale porte d’émergence est celle des narines étant donné que le souffle de la respiration passe essentiellement par ces dernières. Ainsi, les pensées qui se déroulent au sein de la Connaissance Sublimée chevauchent le souffle et se déplacent grâce à lui. Ce déplacement est défini comme “l’éclat de la Connaissance Sublimée” (shes rab kyi gdangs).

Sanctuaire

Son sanctuaire est le cœur (tsit ta) et plus précisément les quatre canaux très spéciaux (khyad par chen po’i rtsa bzhi) en lesquels se déploie l’éclat primordial (ye gdangs) du Discernement. Cet éclat ne se diffuse pas vers l’extérieur mais demeure au centre du cœur.

Expression paroxystique

En fonction de ses cinq modalités principales, cette Lampe présente en fait cinq expressions paroxystiques ou pleines mesures, à savoir :

  1. la pleine mesure de la Connaissance Sublimée qui demeure sur la Base (gzhi gnas skyi shes rab) s’exprime dans les signes de succès qui émergent au cours de la Contemplation ;
  2. la pleine mesure de la Connaissance Sublimée qui appréhende directement les visions se traduit par la maîtrise totale des visions de l’Espace-Discernement ;
  3. la pleine mesure de la Connaissance Sublimée aux évocations incessantes se traduit par l’interruption des proliférations et la demeure au sein d’une Contemplation spontanée caractérisée par une expérience parfaitement stable du Discernement ;
  4. la pleine mesure de la Connaissance Sublimée discriminante permet de distinguer clairement les phénomènes duels les uns des autres ; et
  5. la pleine mesure de la Connaissance Sublimée des trois sortes d’engagements permet de réaliser concrètement le sens des mots (employés dans les textes dzogchen) et de le cultiver pour l’intégrer à sa propre essence.

Exemple illustratif

Cette Lampe est comparable à une mèche enflammée parce qu’elle consume toutes les passions et permet de discerner et de comprendre clairement tout objet que l’on contemple.

Définition synthétique

Fondamentalement, cette Lampe n’est autre que l’expérience du Discernement (rig pa) naturellement cultivée par l’adepte au cours du Franchissement du Pic. En d’autres termes, on peut donc dire que cette Lampe est un synonyme du Discernement dans le contexte de la pratique de Thögel.

Plus précisément, sa véritable nature se décline en fonction de trois modalités :

  1. une Essence (ngo bo) qui est l’expérience directe du Discernement contemplé dans toute sa clarté naturelle, avec l’émergence de la Lampe des Disques Vides (thig le stong pa’i sgron ma), etc. ;
  2. un dynamisme (rtsal) sapiential qui se traduit par l’émergence de bouffées soudaines de pénétration du sens des termes employés dans le système de la Grande Perfection et dans tous les autres enseignements des Buddhas ; et
  3. un Eclat (gdangs) qui s’exprime dans l’émergence des visions des chaînes adamantines (rdo rje lu gu rgyud), semblables à des fils d’or planant dans le ciel.

Selon Longchenpa, si ces modalités ne sont pas clairement établies de manière distincte, alors certains identifieront la Lampe de la Connaissance Sublimée Née-d’elle-même à la conscience ordinaire ; d’autres l’identifieront à son seul éclat intérieur ; et d’autres encore, aux seules chaînes adamantines. Ces trois identifications restrictives sont erronées.

Notes

  1. Ces huit parties sont : 1. l’Essence de cette Lampe, 2. sa définition littérale, 3. ses classifications, 4. sa caractéristique essentielle, 5. ses portes d’émergence, 6. son sanctuaire, 7. sa pleine mesure ou expression paroxystique, et 8. l’exemple qui permet de l’illustrer symboliquement.
  2. Les divers éléments constitutifs de l’expression “Lampe de la Connaissance Sublimée Née-d’elle-même” sont définis dans l’ordre tibétain original.
  3. Ces engagements (‘jug pa) correspondent à trois modalités permettant d’entrer (’jug pa) dans la pratique de la Voie, à savoir : 1. l’écoute (thos), 2. la réflexion (bsam), et 3. la méditation (sgom).

Jean-Luc Achard 26 janvier 2024 à 13:02 (CET)